Guy Berlin

L’arthrose du genou (IV) - Comment démarre une arthrose ?


Les causes de l’arthrose sont multifactorielles. On a vu que les problèmes mécaniques, le vieillissement et l’inflammation chronique/problème métabolique étaient des facteurs de risque importants. A ceux-ci se rajoutent des facteurs biochimiques, reliant le cartilage, la membrane synoviale et l’os sous-chondral.

En d’autres termes, cette pathologie n’affecte pas uniquement le cartilage articulaire, mais l’intégralité de l’articulation : l’os sous chondral, les ligaments, la capsule articulaire, les muscles périarticulaires (= au voisinage de l’articulation) et la membrane synoviale.

Des données récentes indiquent d’ailleurs que l'os sous-chondral, le cartilage et la synoviale sont une source de médiateurs inflammatoires dans la progression de l'arthrose et la dégénérescence du cartilage, ce qui enferme l’arthrose dans un cercle vicieux d’auto-inflammation.

Contraintes mécaniques

On l’a vu plus haut, la cause n°1 de l’arthrose est la contrainte mécanique sur les cartilages.

En fait, le cartilage est soumis à trois types de force :

  • de pression/compression (surpoids, sports intensifs,…)
  • de cisaillement (squats,…)
  • de tension.

Forces de pression/compression

La résistance aux forces de pression dépend de la teneur en protéoglycanes, qui va influencer directement les mouvements de fluide dans la Matrice extracellulaire.et qui se réduit avec l’avancée en âge. En compression (immobilisation ou port statique d’une charge), on assite à une diminution :

  • des propriétés mécaniques et rhéologiques (= propriété que possède un corps conditionnant son comportement à l'écoulement ou à la déformation) de la Matrice extracellulaire
  • du métabolisme des chondrocytes.

Il faut savoir que lors de la marche, les pressions exercées sur chaque genou correspondent à 5 à 6 fois le poids du corps.

Forces de cisaillement

Lors des forces de cisaillement, la production de monoxyde d’azote (NO) augmente. Cela provoque la dégradation des principaux composants de la matrice (protéoglycanes et collagène).

Au cours du processus de vieillissement, la possibilité de résister à ces forces de tension et de cisaillement diminue.

L’inflammation de l’articulation

Un certain nombre d’études ont fait apparaitre un lien entre des états inflammatoires et l’arthrose.

Au cours de l’arthrose, l’inflammation est visible à la fois aux niveaux du cartilage, de la membrane synoviale et des os. Elle est le principal perturbateur de l’équilibre du cartilage et le médiateur catabolique (destructeur) de la maladie.

Cette inflammation est générée à la fois par le système immunitaire et les tissus avoisinants. De ce fait, l’arthrose ne peut se résumer à une unique pathologie du cartilage car elle représente une maladie plus globale touchant plusieurs tissus et organes avec une multitude d’intervenants cellulaires, autres que le seul chondrocyte.

Durant le processus arthrosique, de nombreuses cytokines sont sécrétées et jouent chacune un rôle spécifique dans la maladie. On distingue néanmoins 3 acteurs majeurs dans la progression de cette arthropathie :

  • l’interleukine 1β (IL-1β),
  • l’interleukine 6 (IL-6)
  • le «Tumor Necrosis Factor-⍺» (TNF-⍺).

 

Suite à un stress biologique ou mécanique, les chondrocytes, les cellules du tissu synovial, de l’os ainsi que les cellules immunitaires sont capables d’exprimer ces cytokines inflammatoires. Elles sont produites à de taux assez forts dès les premiers stades de l’arthrose. Au cours de cette affection, les récepteurs cellulaire à IL-1β et au TNF-⍺ sont surexprimés à la surface du chondrocyte, ainsi, l’action de ces cytokines en est exacerbée.

 

Sous l’effet de l’IL-1β, de l’IL-6 et du TNF-⍺, le chondrocyte voit sa capacité de synthèse matricielle drastiquement réduite et particulièrement l’expression du collagène de type II et de l’agrécane (protéoglycane). L’action de ces cytokines va également entretenir l’inflammation issue des cellules et des tissus environnants.

 

On distingue 3 phases dans l’évolution de l’arthrose :

Phase 1 : Un stade initial d’œdème cartilagineux. Une synthèse excessive de protéoglycanes vient perturber le réseau de collagène II, censé maintenir les protéoglycanes en place. Il s’ensuit une hyperhydratation de la matrice extracellulaire, et donc un œdème du cartilage.

 

Phase 2 : Un stade intermédiaire d’apparition de fissures superficielles.

  • En cette étape, des cytokines inflammatoires (IL-1β, IL-6 et TNF-α en majorité, ainsi que des Prostaglandines inflammatoires PGE2) vont forcer les chondrocytes à produire des métalloprotéases (MMP, agrécanases ADAMTS), ce qui va engendrer la destruction des molécules (hypercatabolisme). Le renouvellement des chondrocytes s’épuise, entrainant avec lui celui du liquide synovial lubrifiant.
  • Les chondrocytes se différencient alors en deux voies distinctes : soit vers une voie 1 correspondant à un processus d’apoptose (mort cellulaire), soit vers une voie 2 en devenant des fibro-chondrocytes synthétisant une matrice extracellulaire anormale (notamment du collagène I, III et X au lieu du collagène II).
  • La quantité d’eau présente dans la matrice diminue, à l’origine d’une perte des qualités amortissantes du cartilage
  • Enfin, les chondrocytes vont produire un radical libre de l’oxygène, particulièrement néfaste : le monoxyde d’azote (= oxyde nitrique NO). La formation du NO peut également être stimulée par la cytokine IL-1β. Le monoxyde d’azote, et en particulier sa a forme induite iNOS, provoque l’inhibition de la synthèse des protéoglycanes et du collagène II, il stimule la production de MMP et augmente le relargage d’agrécane dans le liquide synovial, ce qui va stimuler les chondrocytes, engendrant alors un cercle vicieux de production de cytokines inflammatoires et enzymes destructrices du cartilage.

 

La description des réactions biologiques de cette étape 2 peut paraitre fastidieuse mais elle est importante dans le sens ou certaines huiles essentielles seraient capables, d’après les études in vitro, de lutter contre :

  • les cytokines inflammatoires IL-1β, IL-6 et TNF-α
  • les prostaglandines PGE2, dont les précurseurs sont la COX-2.
  • le monoxyde d’azote (NO) et sa forme induite iNOS
  • l’apparition de MMP.

 

Phase 3 : Stade final : fissurations profondes et mise à nu de l’os sous-chondral. Les fissures importantes du cartilage finissent par détacher des lambeaux de cartilage qui vont dans la cavité articulaire. L’inflammation de la membrane synoviale apparaît souvent à ce stade.

On assiste à la pérennisation de la maladie par une membrane synoviale devenue « poubelle » et des remaniements sévères de l’os sous-chondral.

Processus arthrosique de l'articulation synoviale du genou (d'après Nadège Ribes - 2015)

PG = Protéoglycanes              PGE2 = Prostaglandines de type E2         LIF = Leukemia Inhibitory Factor

En résumé, le processus arthrosique résulte d’une série de déséquilibres perturbant l’homéostasie           (= équilibre interne) du cartilage :

  • Synthèse marquée de protéases (enzymes destructrices) par rapport à leurs inhibiteurs
  • Synthèse marquée de cytokines pro-inflammatoires par rapport à leurs antagonistes (anti-inflammatoires)
  • L’activité catabolique prend le pas sur l’activité anabolique.
  • Mort cellulaire accrue des chondrocytes sans compensation du nombre de cellules.

 

On pourrait rajouter à ce tableau le rôle de plus en plus étudié d’une dégradation de l’os sous-chondral dans l’apparition de l’arthrose.

Il existe en effet un dialogue biochimique permanent entre l’os sous-chondral et le cartilage, avec la synthèse de cytokines pro- et anti-inflammatoires, de prostaglandines et de facteurs de croissance, intervenant dans la physio-pathogénie de l’arthrose.

En raison de cette étroite relation existant entre la fragilisation du cartilage et de l’os sous-chondral au cours du processus de vieillissement, certains auteurs ont suggéré la possibilité que l’os sous-chondral puisse initier la destruction du cartilage.

Les travaux réalisés ces dernières années permettraient d’affirmer que l’atteinte de l’os sous-chondral n’est pas une conséquence de l’arthrose mais fait partie intégrante du processus arthrosique.


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